L'intérêt narratif d'un battement d'ailes repose sur sa construction en "élastique" qui mènera nos deux acolytes en quête de liberté à la séquestration, en analogie à leur état initial d'internement à la DASS.
Cette notion de fatalité suit les deux personnages dans leur périple, bien qu'aux premiers abords, leur fugue plus proche du suicide que de la fuite dans un tel cadre géographique se déroule « normalement ».
Il y a sans nul doute une forme de perversion narrative sur l'ensemble du film, puisque la vengeance des adolescents n'est pas envisageable.
On leur fait miroiter un semblant de liberté à l'issue de leur fugue, d'avenir, mais pour eux il n'y aura aucune issue, aucune vengeance; ils sont victimes de tout à tout moments.
Perdus en pleine campagne, affaiblis, affamés, avides de nouveautés et donc facilement impressionnables, ils n'accorderont de confiance qu'à cette femme, sortie de nulle part, qui pour eux est la seule issue.
Elle est un piège tendu à bout de bras, auquel ils répondront naïvement assommés de fatigue. Hasard ? Destin ? Fatalisme ? Ils semblent en tout cas ne pas avoir le choix... Le point de vue adopté sera celui des deux adolescents, rien n'indiquera au spectateur le devenir des personnages avant qu'eux même n'en prennent conscience. Le malaise ambiant n'est palpable qu'en utilisant le subjectif des personnages, un point de vue externe ne ferait qu'affaiblir la douleur, ils sont les seuls à souffrir dans l'image et on souffre avec eux.
Le personnage de la femme est le bâton dans l'engrenage, l'élément perturbateur. Elle porte un masque d'élégance, douce et généreuse, mais laisse entrevoir quelque chose de fourbe, farouche, son apparence cache la prédatrice intrasèque.
Il n'y a pas de palier entre ses deux personnalités, au moment voulu elle se mutera littéralement pour prendre ses proies par surprise.
L'immensité des lieux peu propice à la survie, mène elle aussi un double jeu. Si l'absence de murs et de cloisons symbolise la liberté, l'absence de tout nous rappelle à quel point l'homme est dépendant des autres, et des moyens matériels propres à la société de consommation. La fuite en pleine nature, anticipe déjà la mort, le vide et l'ennui les ronge peu à peu de l'intérieur... la liberté désirée ne ressemble pas tant à ce qu'ils espéraient.

La dimension du merveilleux : Sans parodier vulgairement ce que pourrait être un conte enfantin sortie tout droit des studios Disney, les personnages du film marquent une ressemblance notable avec des figures clés du conte merveilleux. Deux jeunes innocents, assez immatures pour s’aventurer dans l’immensité d’une nature traîtresse en correspondance à Ancel et Gretelle ; dans l’inconscience d’un passé torturé, injuste et cruel comparable aux Malheurs de Sophie, et où un monstre frénétique, rôdeur des bois, les dévore à coup de crocs saillants. Le petit chaperon rouge, Le petit poucet, l’ogre tapit dans les ténèbres de la nuit s’empare de leur âme à tout jamais ; l’appât du gain, le reflet d’une montre sous l’œil hagard de la pie, est assez trompeur pour attirer l’attention des deux angelots, qui croquent affamés dans la pomme empoisonnée, en réponse au sourire gracieux de cette femme qui ne fera que les dévorer à son tour. Cependant le récit ne fini pas en « happy end » , la caverne lugubre reste leur point de non retour, et le conte de fée devient subitement cauchemar.

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Un Battement d'Ailes, un film de VINCENT GRAMAIN et NORMAN THAVAUD Cowboy avec DIANE MONTCHARMONT, FREDERIQUE BERNI, HUGO DESSIOUX Kiwi, les photos du film, cowboy & kiwi, court-métrage">